Bonjour Isabelle,
j'aime beaucoup l'idée de la nécessité de prendre son temps, de respecter cette lenteur soudaine pour construire le lien intérieur avec nos petits bouts. Vu comme ça, ce rythme si différent, cette vie temporairement arrêtée est moins culpabilisante je trouve, plus acceptable. Et j'éprouve exactement ce sentiment: qu'on me laisse le temps qu'il me faut pour retrouver mon bébé, à ma façon, pour le faire vivre en moi et lui donner sa juste place.
Quand Matisse est décédé, je suis devenue soudainement extrêmement lente. Avant, je faisais rentrer deux journées en une, j'aimais presque être pressée, je ne tenais pas en place. Les semaines après son décès, j'étais anéantie, écrasée par la peine et le choc. Je trouve que même le cerveau en prend un coup: aucune mémoire immédiate, le sentiment d'être toujours ailleurs, une lenteur intellectuelle terrible, comme si mes neurones avaient été écrabouillés par un bus. Avant je lisais beaucoup de philosophie (c'est souvent jargonnant et "ça prend la tête" comme disent les élèves) et aujourd'hui je m'en sens bien incapable, comme si intellectuellement j'avais régressé, comme si mon cerveau, lui aussi, allait à 2 à l'heure...
Et la vie, le monde, le quotidien viennent bien souvent nous bousculer pour qu'on avance plus vite... mais là c'est soudain l'angoisse qui surgit: on a besoin de notre temps je crois! Comme je disais à ma mère: "tu ne peux pas vouloir que j'aille plus vite que ma musique!"