Bonjour Sabrina,
tout comme Mathilde j'ai vu ton message, j'ai été prise d'une folle envie de te répondre, mais je me suis dit qu'il fallait s'y prendre à froid... car personnellement j'ai aussi été confrontée à une situation similaire avec mon amie, ma meilleure que je connais depuis quinze ans.
On a pratiquement jamais vécu au même endroit et au même moment, moi entre Allemagne et France, elle en Angleterre. On a passé des heures et des heures au téléphone, à se raconter chaque petit événement de nos vies, à rire et pleurer. Depuis qu'elle a eu son fils en 2012 elle s'est très éloignée, elle est hyper possessive avec lui au point de ne jamais l'avoir laissé à d'autres qu'elle même ou le père durant au moins 2 ans, je me forçais de ne pas la juger, je me mordais la langue à chaque fois que j'avais envie de lui faire une remarque et je me disais que j'aurais peut être compris le jour ou moi aussi je serais maman.
Et puis ce jour est arrivé. Quand le pédiatre m'a dit que mon fils, qui n'avait que quelques heures de vie, allait mal et il devait être transféré dans un autre hôpital, me laissant seule à hurler de peur à la clinique, je n'ai pas appelé ma mère, ma sœur ou quiconque pour pleurer, j'ai appelé cette amie. Pour te dire à quel point elle était pour moi un pilier.
Depuis ce jour, elle ne me contacte que très rarement (je n'ai pas souvenir de la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle est trop occupée...) comme toi j'ai essayé d'aller vers elle, de façon plus douce au début, plus directement par la suite. ça n'a mené qu'à des reproches, des "mais toi aussi", des "t'exagères" pour couronner avec "mais il faut aussi que tu comprennes, c'est moche de t'appeler et te raconter que ma vie va bien, alors que je sais que tu es triste. alors je préfère ne pas appeler"
Je suis sure qu'elle ne le fait pas par égoïsme ou par méchanceté, je pense qu'en premier lieu mon histoire lui fait peur et pour une maman qui est tellement possessive et hypocondriaque envers son enfant, ne serait ce que le fait qu'on lui rappelle que même un enfant en bonne santé peut mourir...eh bien ce n'est tout simplement pas supportable. Alors le bien être d'une amie passe après la protection de soi même, de son petit coin de vie parfaite qu'elle ne peut surtout pas imaginer de perdre.
Je ne sais pas si j'ai bon dans mon analyse et je sais encore moins si c'est la même situation que dans le cas de ton amie. Reste le fait que nous et les papas sommes les premiers à souffrir de la perte de nos enfants, mais bien souvent ceux qui sont censés être proche de nous et nous aider à nous alléger un peu ce fardeau, se révèlent incapables de le faire, en nous laissant encore plus désemparés. Nous n'avons pas seulement perdu un (ou des) enfants, comme si ce n'était pas suffisant nous avons aussi été confrontés à la perte en quelque sorte de nos plus chers amis. Malheureusement je n'ai toujours pas trouvé une façon de digérer tout ça pour moi même, alors je suis loin de pouvoir te donner des conseils

mais je voudrais te rassurer sur le fait que c'est une situation très commune dans notre cas, comme le dit aussi Isabelle. Alors je me dis que nous n'avons pas forcément toutes fait fuir nos amis avec notre sale caractère et nos larmes, je veux pour une fois penser que ce soit aussi un peu la faute aux autres qui, par manque de sensibilité, nous fuient à la place de nous donner encore plus de douceur.
Dans tout ça, je pense que le travail des associations comme Spama et de toutes les personnes qui essaient de parler au grand publique du deuil périnatale, est capitale. En parler, faire comprendre que ce n'est pas contagieux, que nous n'avons pas besoin de jugement mais juste de beaucoup de douceur, ça ne peut qu'aider l'entourage de tous ceux qui malheureusement vont traverser cette épreuve à l'avenir.
J'espère que malgré ces déceptions tu aura la chance de rencontrer des belles personnes, qui par leur présence t'aideront à pallier un peu à l'absence de Samuel.
Je t'embrasse,
Camilla